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Gallimard
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Oeuvres en prose ; récits et essais
Rainer Maria Rilke
- GALLIMARD
- Bibliotheque De La Pleiade
- 11 Février 1993
- 9782070112555
Dans sa remarquable préface, Claude David émet l'hypothèse que l'oeuvre toute entière de Rilke s'édifie sur une absence, celle de la mère. Il va radicalement à l'absence, c'est-à-dire à la mort qui «mûrit en nous comme un fruit». Car la mère, qui n'est même pas morte (si on peut dire), s'est absentée et la retrouver, c'est l'halluciner. Ainsi s'ouvre le temps et l'oeuvre s'inaugure. Par des spectres, qui donnent à voir l'invisible. On sait que le Golem erre dans Prague comme Rilke ne cessera d'errer à la recherche de fantômes qui habilleraient la disparue. «Même Dieu, évoqué presque à chaque page, ce Dieu sans passé, sans tradition, sans contour, sans dogme, n'est guère différent d'une absence. Et les choses elles-mêmes ne sont à leur tour qu'un masque et qu'un décor» note Claude David. Comme les anges dans les églises baroques de Prague, elles sont suspendues dans le vide qui seul leur donne un sens. Dans ce «manchon de néant, à revêtir des déguisements et des masques, soudain on ne se reconnaît plus. Ce n'est jamais la chose, ni l'être que l'on trouve, mais seulement son image, sa représentation». Le deuil, pour s'apaiser, cherche une relique : l'oeuvre comme ombre portée de la mère ?
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Oeuvres poétiques et théâtrales
Rainer Maria Rilke
- GALLIMARD
- Bibliotheque De La Pleiade
- 23 Octobre 1997
- 9782070115006
La richesse de l'oeuvre poétique de Rilke est parfois occultée par la célébrité des Élégies de Duino et des Sonnets à Orphée. Cette nouvelle traduction, incluant une bonne moitié de textes encore ignorés du public français, a pour ambition de retracer l'évolution de l'oeuvre dans son ensemble, depuis les poèmes de jeunesse célébrant les blondes jeunes filles et les paysages de Bohême, jusqu'à la poésie inspirée et parfois énigmatique des célèbres recueils. Pour la première fois, des poèmes épars ont été rassemblés en cycles autonomes. Certains de ces cycles s'imposaient ; les autres, apparemment moins évidents, respectent des choix exprimés par Rilke lui-même : c'est ainsi qu'est proposée une seconde partie des Élégies. Celles-ci sont en outre suivies de variantes et de fragments que Rilke avait rassemblés, et qui permettent d'éclairer la genèse du recueil ; de même, on a fait figurer à la suite des Sonnets à Orphée les annotations du poète, ainsi que des poèmes et fragments tirés de ce qu'il appelait leur «orbitaire». Enfin, trois pièces de théâtre, qui par leur caractère intimiste et leur réalisme évoquent H. Ibsen, révèlent une dernière facette d'un auteur encore fortement ancré dans le XIX? siècle, mais qui par toute une partie de son oeuvre appartient sans conteste à la modernité.
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Lorsque Rainer Maria Rilke naît à Prague en 1875, Rodin a déjà trente-cinq ans. Fort de ses premiers succès, il est en passe de s'imposer, en quelques décennies, comme l'un des sculpteurs les plus talentueux et innovants de son époque. De son côté, le jeune Rilke se destine tôt à l'écriture, et publie dès 1896 ses premiers recueils de poèmes. Peu après avoir découvert l'oeuvre de Rodin, notamment grâce à son épouse, la sculptrice Clara Westhoff, il reçoit la commande d'un livre sur l'artiste et se rend à Paris pour le rencontrer. Pour la première fois rassemblée, cette correspondance retrace, de 1902 à 1913, la relation entre deux hommes a priori dissemblables:le jeune poète désargenté maîtrisant encore mal la langue française et le sculpteur au faîte de son art et de sa gloire, à la tête d'une véritable entreprise chargée de la diffusion de son oeuvre. Rilke donne du «Maître» à Rodin et analyse son oeuvre dans de longues lettres, tandis que les réponses du sculpteur sont lapidaires, sans pourtant dissimuler son affection pour le jeune poète. De 1905 à 1906, Rodin engage Rilke comme secrétaire et l'héberge à Meudon. Une brouille survient, puis se dissipe. Ils renoueront des rapports soutenus entre 1908 et 1911, à l'hôtel Biron, futur musée Rodin, que Clara Westhoff fait découvrir à son mari. Le poète a beaucoup publié, il est reconnu - ils sont désormais sur un pied d'égalité. Considéré en Allemagne comme le «gardien à la porte rodinienne», Rilke affirmera plus tard que c'est grâce à Rodin que Paris aura longtemps été le seul point d'attache dans sa vie de déraciné. Cette correspondance dessine un échange émouvant, à la croisée des générations, des disciplines artistiques, des langues et des cultures, entre deux personnalités hors du commun, et témoigne, avant l'heure, d'un véritable esprit européen.
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Correspondance à trois
Boris Pasternak, Marina Tsvétaïéva
- GALLIMARD
- L'imaginaire
- 29 Mai 2003
- 9782070768134
Pendant quelques mois, trois des plus grands poètes de leur temps échangent un courrier d'une passion extrême. Pasternak est cloué à Moscou par la révolution (il est le docteur Jivago), Tsvétaïeva en France par l'émigration et Rilke en Suisse où il meurt lentement. Seuls Pasternak et Tsvétaïeva se connaissent bien. Rilke n'a jamais rencontré Tsvétaïeva et connaît à peine Pasternak : le lien réel de leur triangle est l'admiration réciproque. L'isolement, l'absence de tout contact et de toute connaissance concrète favorisent l'exaltation, l'idéalisation, le sublime... mais aussi les drames de susceptibilité, de jalousie, les remords et les ruptures. La passion amoureuse est indéniablement mêlée à la fougue poétique.
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«Le projet de ce livre était de se rapprocher un peu de l'enfance. Car il n'est pas d'art qui n'éprouve la nostalgie de ce jardin perdu, qui ne veuille s'enrichir de ses parfums et de ses ombres et recueillir l'écho de ses murmures. Deux petites histoires ne constituent que le prétexte.Le théâtre en est Prague, cette ville pleine de ruelles obscures et de cours pleines de mystère. Les jours y sont rêveurs et tristes et agissent peu. Leur voix est pleine de nostalgie slave; ils vivent la piété native de leur sentiment vierge. Et le prétexte a conduit à un sujet nouveau:l'histoire de l'enfance d'un peuple. Quelques mots racontent en passant le destin d'un peuple qui ne peut donner de l'espace à son enfance à côté d'un peuple frère grave, plus âgé, adulte. Et c'est dans ces propos, qui me sont venus presque par hasard, que me paraît maintenant résider le meilleur de mon livre. Car c'est de là que vient toute sa chaleur; et c'est précisément là où il paraît être tendancieux qu'il est large, humain, plein de savoir.» Rainer Maria Rilke.
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En 1897, lorsque Rainer Maria Rilke rencontra Lou Andreas-Salomé à Munich, il avait vingt-deux ans, et déjà plusieurs plaquettes de poèmes à son actif. Lou en avait trente-six. Fille d'un général russe, passionnément et vainement aimée par Nietzsche rencontré à Rome en 1882, mariée depuis 1887 à l'orientaliste Friedrich Carl Andreas, elle avait publié, de son côté, un roman et de nombreux articles de revues.Après quatre années de liaison au cours desquelles se situent notamment leurs deux voyages en Russie et qui s'achevèrent sur une mise en garde pathétique de Lou à Rilke qui s'apprêtait à épouser Clara Westhoff, cet amour fera place à une amitié qui devait durer jusqu'à la mort du poète et rester sans doute la plus étroite et la plus nécessaire d'une vie où tant de figures féminines ont passé.«Dieu le sait : ton être aura été la véritable porte par laquelle j'accédai pour la première fois à l'air libre...», écrit Rilke à Lou en 1911. Et il est bien vrai que cette rencontre de 1897 a constitué pour le jeune poète encore vague et frêle une nouvelle naissance, et le commencement de son vrai travail.En dépit des pertes qui affectent cette correspondance, pertes dues, pour la première partie (1897-1901), à une volonté commune de destruction et, pour le reste, à de probables interventions extérieures, elle reste aujourd'hui, telle que l'a présentée intégralement Ernst Pfeiffer, la plus substantielle de toutes celles qu'a entretenues l'épistolier parfois excessivement fécond que fut Rilke.C'est en effet vers Lou seule, mère, maîtresse, amie, ami tout ensemble, que le poète s'est tourné chaque fois que le conflit qui opposait en lui la création et la vie, la poésie et l'amour, devenait trop cruel pour être affronté sans aide. Et seule Lou Andreas-Salomé, avec sa grande intelligence naturelle, sa connaissance et bientôt sa pratique de la psychanalyse, son amour inaltérable de la vie, pouvait donner aux questions anxieuses de Rilke sinon toujours les réponses, ou les fragments de réponse, du moins l'écho chaleureux qui devait l'aider à «surmonter». Il n'est donc pas surprenant que l'on trouve, à plus d'un moment de leurs échanges, nombre de pages qui comptent parmi ce qui s'est écrit de plus pénétrant et de plus brûlant sur les ténèbres souterraines où germe et mûrit, directement quelquefois, la poésie.
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Ces lettres qui sont inédites, même en Allemagne, n'ont été publiées qu'en édition restreinte en Italie, pendant la dernière guerre. Rilke, âgé à l'époque de leur composition d'une trentaine d'années, était très amoureux d'une jeune Vénitienne d'une grande beauté. Écrites en français entre 1907 et 1912, elles sont envoyées au cours de voyages incessants, aussi bien de Paris que de Capri, de Brême ou du château de Duino. Chez ce grand poète inquiet, en constant déplacement, on retrouve pourtant des préoccupations permanentes, des réflexions sur les poètes et surtout sur la poésie : «C'est effrayant de penser qu'il y ait tant de choses qui se font et se défont avec des mots, enfermés dans l'éternel à-peu-près de leur existence secondaire, indifférents à nos extrêmes besoins ; ils reculent au moment où vous les saisissez, ils ont leur vie à eux et nous la nôtre.»