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Éditeurs
Heros Limite
-
Le chemin étroit vers les contrées du Nord
Matsuo Bashô
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 14 Juin 2024
- 9782889551033
Selon Nicolas Bouvier, il y a des pays de poésie. Comme l'Iran qu'il décrit dans L'usage du monde et qu'il traverse en compagnie de Thierry Vernet en 1953-1954, ou encore le Japon où il réside une première fois entre octobre 1955 et octobre 1956. C'est précisément lors de ce séjour qu'il vient à la poésie. Une poésie, selon ses propres mots, « très visuelle, très laconique, très courte ».
Vingt années s'écoulent entre la rencontre avec la poésie de Matsuo Bashô, dans ce « Premier Japon » du printemps 1956, et le travail de traduction de l'oeuvre maîtresse du poète. A quarante-six ans, fort de presque quatre années passées dans le monde japonais, Nicolas Bouvier vient de publier à l'Age d'Homme Chronique japonaise, un ensemble de textes revu et augmenté paru huit ans auparavant aux Éditions Rencontre sous le titre de Japon.
Lorsque s'échafaude le projet de publier le Oku no hosomichi de Bashô, dont la version anglaise de Dorothy Britton vient de sortir à Tokyo, les conditions apparaissent comme réunies. A l'automne 1976, le Voyage poétique à travers le Japon d'autrefois paraît. Y trouvent place une sélection de haïku, le récit La Route étroite vers les Districts du Nord, ainsi que des photographies de Dennis Stock. Dans ses « Réflexions sur l'espace et l'écriture », Nicolas Bouvier reprend sensiblement ce titre pour lui donner sa forme finale, adoptée ici : Le Chemin étroit vers les contrées du Nord.
Tiré de la préface d'Alexandre Chollier
Le Chemin étroit vers les contrées du Nord a paru initialement aux éditions de l'Office du livre en 1976. Publié en 2006 en grand format aux éditions Héros-Limite, il est réédité dans la collection poche, Feuilles d'herbe. -
Quoi de plus iconoclaste qu'un herbier composé entre quatre murs, sans l'étendue de la nature ? Comme une contradiction dans les termes. L'herbier de prison de Rosa Luxemburg est une archive sans équivalent. Troublante et attachante, sa fragilité et son histoire en font un témoignage de résistance et d'évasion, une fabrique de formes et de joie, un document sur le sentiment politique de la nature, fondement de toute écologie.
Composé de sept cahiers datés d'avril 1915 à octobre 1918, l'herbier a pu être réalisé par la révolutionnaire emprisonnée grâce à l'amitié sans faille de quelques femmes, ses amies intimes dont la féministe Clara Zetkin. Au-delà des quelques fleurs et mauvaises herbes de la cour de la prison que Rosa glane lorsqu'elle sort sous surveillance, ce sont ses proches qui lui envoyèrent par lettres des spécimens séchés ou des bouquets fleurs fraîches qu'elle-même pressait. Aux planches de l'herbier répondent ainsi tout une correspondance où il est question de botanique, de nature, de romantisme allemand, d'amour de toutes créatures, et cela, « en dépit de l'humanité ». Rosa Luxemburg ne cesse d'encourager ses proches à garder leur joie de vivre et leur gaieté alors que les nuages qu'elle entraperçoit par une fenêtre à barreaux se chargent des couleurs de la guerre et de l'acier.
L'herbier et le rossignol est constitué de 133 planches botaniques accompagnées de la traduction des légendes manuscrites de celles-ci. Cet ouvrage recueille également une soixantaine de lettres, dans lesquelles la révolutionnaire évoque sa passion pour les plantes, ainsi que pour les animaux. Des documents inédits en français complètent le volume, notamment un journal où Rosa Luxemburg consigne les faits et gestes de sa vie d'incarcérée. De part sa richesse, cette édition est complètement originale et n'a pas d'égale ni en allemand ni en polonais -
Au coeur de l'Ouest : Notes de voyage
Washington Irving
- Heros Limite
- Geographie(s)
- 18 Octobre 2024
- 9782889551088
Cinq cahiers de notes rassemblées (du 3 septembre 1832 à la fin novembre) lors d'une expédition menant de Cincinnati aux terrains de chasse des Indiens Osages, et qui ont fourni à Washington Irwing l'essentiel du matériau pour la rédaction de A Tour on the Prairies, paru en 1835. Le récit d'un périple au coeur de l'Ouest (encore) sauvage étasunien.
L'auteur de La légende de Sleepy Hollow semble ne vouloir rien perdre de l'étonnante expérience au sein de laquelle il plonge. Ce n'est pas le moindre intérêt du récit de l'écrivain voyageur que de saisir la géographie humaine dans toute sa complexité. L'Ouest américain de 1832, tel qu'il apparaît ici, est encore en devenir et constitue un monde contrasté où les appartenances ethniques et culturelles restent fluides et perméables. Indiens, Noirs, Métis et Blancs de tous horizons habitent en quelque sorte une même maison aux enclos mal définis, dans un étonnant désordre où la sagesse des uns parfois étonne, et féconde aussi, la sagesse des autres.
Il y a de plus quelque chose de cinématographique dans ces notations où rien n'est jamais statique. Le style presque toujours nécessairement télégraphique confère à la langue une extraordinaire puissance rythmique qu'aucune préoccupation de lissage ne vient endiguer.
Washington Irving va sans cesse « à la rencontre ». Ces pages sont habitées et traversées d'une multitude disparate de personnages, très souvent hauts en couleurs et en paroles, chacun porteur d'une histoire dont on mesure aisément les potentialités littéraires et qui fait, en quelque sorte, récit dans le récit. Les paysages, la physionomie des implantations humaines, la diversité sans fin du végétal, la variété du gibier (tout autant que des mets) participent de cette impression de vivant foisonnement. -
La machine à tricoter -: écrits pour la presse
Alice Rivaz
- Heros Limite
- Tuta Blu
- 14 Juin 2024
- 9782889550999
Dès le mois de septembre 1944, Rivaz écrit pour l'hebdomadaire Servir une série d'enquêtes consacrées à des métiers féminins. Elle y décrit les conditions de travail de femmes de ménage et de travailleuses à domicile dont elle rapporte les propos. Le ton de ces articles est résolument empathique : il s'agit, comme le titre de la série l'indique, de se mettre « à l'écoute de celles qui travaillent », autrement dit à l'écoute de celles dont la parole n'est guère entendue ou considérée. Rivaz ne se contente pas d'exposer des parcours de vie laborieuse de manière impartiale ; elle s'implique dans le portrait des femmes qu'elle rencontre tout en donnant à voir leurs gestes et leurs savoir-faire. Elle les interroge aussi sur les aspects les plus matériels de leurs tâches (activités, emploi du temps, revenu chiffré, budget familial, etc.) en cherchant à mettre au jour la réalité matérielle de leurs métiers précaires. Une de ces enquêtes lui inspirera plus tard l'écriture d'un court récit, « La machine à tricoter », lequel donne son titre à notre volume. Paru en 1973 dans De mémoire et d'oubli, ce texte relate la rencontre bouleversante d'une travailleuse à domicile, ancienne élève de Ferdinand Hodler, à Carouge. Au terme de son récit, Alice Rivaz développe une réflexion critique sur le misérabilisme littéraire auquel succombent parfois les romanciers qui, comme elle, écrivent sur le malheur des autres.
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Nanao Sakaki est aujourd'hui encore l'un des secrets les mieux gardés de la beat generation. Contemporain de Kerouac, le poète japonais est le compagnon de route d'Allen Ginsberg, mais surtout de Gary Snyder, qu'il rencontre à Kyoto en 1963 et dont il traduira les oeuvres en japonais. Un compagnon de route au sens propre : pour lui, la marche fait partie intégrante du processus de création artistique, renouant en cela avec la tradition japonaise des poètes vagabonds. Ses pas infatigables l'amènent à traverser les États-Unis, en Mongolie, au Mexique ou encore en Australie, profitant de rencontres et se mêlant aux différentes cultures autochtones. De sa poésie émane tout ce savoir glané au cours de ses longues pérégrinations.
Aller léger - go light - rassemble près de 130 poèmes de Nanao Sakaki, issus de ses trois principaux recueils de poésie : Real Play,Break the Mirror et Let's Eat Stars, publiés entre 1981 et 1997 et pour la plupart inédits en français. On y retrouve fortement imprégnée sa conscience écologiste, qui le porte à s'engager pour la préservation des forêts ancestrales du Japon et de la barrière de corail bleu autour de l'île d'Ishigaki. Véritable incarnation de la sobriété heureuse, il détonne joyeusement, fait preuve d'un humour à la légèreté salutaire. -
Le lendemain matin, je me lève à cinq heures trente, je pars à six heures quinze vers Huisseau. On est en septembre, le jour se lève à peine. Je vois des quantités de lapins dans le parc de Chambord. J'arrive à la scierie en avance. Tout est sombre sous le hangar. J'ai dans mes sacoches ma gamelle qui contient mon repas de midi. Le chauffeur bourre la chaudière et fait monter la pression. Je m'approche du four et je me chauffe. Il est sept heures moins dix. Tout le monde arrive tout à coup et se rassemble autour du four. Garnier arrive bouffi, il n'a pas fini de s'habiller, il sort du lit, il ne mange pas le matin. Après de brèves politesses, à sept heures moins cinq, il gueule : - Allez, graissez !
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Infini présent fait écho à Jeux d'oiseaux dans un ciel vide (Héros Limite, 2011). Une encyclopédie poétique du vivant en a appelé une autre : au monde des oiseaux succède le monde des insectes. L'insecte a imposé au livre sa propre chorégraphie, sa propre syntaxe, chaque poème inventant sa forme, sa circulation. Les insectes devenant tour à tour ces êtres qui méritent une attention globale ou particulière, car il importe de rendre leur habileté, leur drôlerie, leur grâce, leur étrangeté, leur solitude, leur sociabilité, leur adresse... S'approcher de l'insecte en poète, c'est le reconnaître, l'accueillir, le louer, le pleurer, tenter l'interaction ; petit à petit les choses se ramifient, se complexifient : qui reconnaît, qui protège qui ?
On trouvera dans ce livre 73 poèmes classés selon l'ordre des insectes, des Thysanoures aux Mécoptères ; le tout comprenant quelque 300 espèces ou individus cités. -
55 poèmes, c'est le premier Zukofsky. C'est d'abord son premier livre de poèmes, publié aux États-Unis en 1941 par les presses de James A. Decker à Prairie City, Illinois. Il n'avait auparavant travaillé que sur des recueils collectifs ; là, c'est sa propre poésie. Un recueil tardif malgré tout si l'on veut, puisqu'il rassemble des oeuvres écrites entre 1923 et 1935. Le livre sort donc six ans après la composition du dernier poème, et presque vingt ans après les débuts de Zukofsky en poésie. Il a alors 37 ans.
55 poèmes, c'est aussi le Zukofsky première manière. C'est le recueil de la période la plus strictement « objectiviste » du poète new-yorkais, celle où il bousculait le milieu de la nouvelle poésie américaine par des manifestes flamboyants, âprement discutés dans les revues de l'avant-garde - celle où il apparaît comme l'héritier d'Ezra Pound. C'est dans 55 poèmes qu'apparaissent la plupart des oeuvres les plus connues de Zukofsky hors du grand-oeuvre « A » : « Poem beginning "The" » ou « Mantis » par exemple, textes d'un jeune homme infiniment ambitieux, invoquant toute l'histoire de la littérature occidentale, de la pensée juive, retravaillant des formes fixes complexes héritées de Dante et des troubadours, dialoguant avec la poésie de son temps et des autres.
Et puis, c'est aussi la période la plus explicitement politique de Zukofsky. Ici on croise Marx, Lénine, la classe laborieuse et l'horizon révolutionnaire. Après la Seconde Guerre mondiale, Zukofsky ne formulera plus les choses tout à fait ainsi, même si la politique restera toujours au coeur de son travail sur la langue anglaise. Ce sera peut-être alors un autre Zukofsky.
Note du traducteur -
On a récemment pu écrire de l'oeuvre poétique de Maya Abu Al-Hayyat : « Depuis 20 ans, ses poèmes semblent vivre sur un carrousel : avec le temps ils reviennent pour raconter la même histoire ». L'anthologie qu'elle a composée à partir de ses trois derniers recueils procure exactement cette sensation d'un temps cyclique, voire immobile - celui de la situation des Palestiniens en Palestine. La vie pourtant quand même passe, « Oh merveille » écrit-elle, avec ses petits bonheurs, ses peurs abyssales, ses révoltes rentrées, ses accès de panique. Encore et encore.
À l'enseigne du titre qu'elle donne à l'anthologie, ses raccourcis ressemblent souvent à des litotes qui tournent mal. Quand par exemple elle demande « comment tu as traversé la rue », elle se doit de préciser « à ta sortie de prison ». Une poésie de la douche froide, comme sans y toucher. Le premier vers du poème Nous sommes tombés nous rassure, « Nous sommes tombés amoureux », et se poursuit plus loin par « Et nous ne savions pas que tu allais mourir / D'une balle côté gauche ».
Le recueil est une anthologie, composée par l'autrice Maya Abu Al-Hayyat, à partir de ses livres Ce sourire... ce coeur (2012), Robes d'intérieur et guerres (2015) et La peur (2021). La traduction s'efforce de respecter la limpide architecture formelle des poèmes et de perpétuer l'espèce de flottement d'une sensibilité à la fois toujours aux aguets et réceptive aux signaux faibles de la vie ordinaire pourtant presque impossible à vivre dans un tel contexte. -
Croyons à l'aube de la saison froide
Forough Farrokhzad
- Héros-Limite
- Feuilles D'herbe
- 21 Avril 2023
- 9782889550821
Quel que soit leur âge, il n'est pas rare que des Iranien.ne.s connaissent par coeur des vers de Forough Farrokhzâd. Sa poésie, émaillée d'allusions à sa vie amoureuse mouvementée, à ses aventures ouvertement vécues, échappe heureusement à la mise en scène complaisante du scandale à laquelle aimaient la rabaisser certains de ses contemporains.
Croyons à l'aube de la saison froide est le dernier recueil de Forough Farrokhzâd. Publié de manière posthume en 1974, après la mort accidentelle de la poète iranienne en 1967, ce recueil inachevé commence par un long poème qui lui donne son titre. Il met en scène « une femme seule », hantée par son passé, regardant devant elle cette autre saison de sa vie qui s'annonce. Elle évoque ce réel qui toujours lui échappe, ces relations courtoises et distantes qui ne font que souligner sa solitude. Le « seul et unique ami », déjà au coeur de son précédent recueil, reste une figure ambivalente, tantôt source de joie et d'espoir pour celle qui l'appelle, tantôt cet adversaire qui la retient « au fond d'un océan ». Les souvenirs d'enfance, chargés de désirs et ponctués parfois de gifles, sont aussi présents dans ces poèmes. Ils sont aussi l'occasion pour Forough Farrokhzâd de se moquer de ses parents, de ses frères et soeurs, de leur comportement égocentrique, autoritaire ou nihiliste, se sentant étrangère à ce qui les préoccupe. Elle préfère contempler ce jardin à la beauté fragile, qui hélas se meurt, tout comme se meurt ce « lien vivant et lumineux / entre nous et l'oiseau ». La poète lutte pour demeurer « l'intime du soleil », contemplant la lignée sanglante de fleurs à qui elle doit la vie, tiraillée sans cesse par des émotions contradictoires. Cette tension est devenue ici plus douloureuse que celle qui traverse déjà son précédent recueil Une autre naissance (1964) paru aux éditions Héros-Limite en 2021. -
A l'image des bestiaires du Moyen Âge, les animaux de Jean Giono peuvent être réels, mais sont le plus souvent fantasques ou imaginaires. Affabulateur de génie, l'auteur nous fait découvrir les caractéristiques du « grain de tabac » de la «bête du Gévaudan», du « cheval de paille», de l'«émeraude», du «minus», ou encore du « verrat-maquereau».
Parfois ces bêtes, microscopiques ou monstrueuses, surgissent de situations extravagantes d'une grande drôlerie où le narrateur se met en scène. Mais la plupart des textes sont de simples descriptions de l'animal où, avec bonhomie et précision, on parle de sa nature et de ses moeurs. Le ton de Giono est pincesans-rire et se joue allègrement du discours académique.
Les 19 textes qui composent l'ouvrage sont rédigés entre 1956 et 1965, comme des divertissements alors que Giono travaille à de grands romans. Il s'amusera à les compléter par des séries de citations (la plupart inventées de toutes pièces) sous le titre de marginalia. Des citations d'autant plus incongrues qu'elles n'ont finalement aucun rapport avec l'animal décrit. Comme Borges dans Fictions, Giono est un raconteur d'histoires, celui qui aime si bien brouiller les pistes et perdre le lecteur dans le vertige du paradoxe. -
Voici des vagabonds, demi-fous, demi-dieux, c'est-à-dire les premiers venus, aux prises avec le chamanisme modeste du souvenir. Ce sont des images-talismans qu'on a roulées comme des phrases, depuis toujours, sans avoir su, pendant longtemps, que c'étaient des poèmes.
L'incendie de l'Alcazar trace des portraits, tout d'abord celui de l'auteur métamorphosé en poète, et ceux de peintres. David Bosc évoque des moments de l'enfance, le désoeuvrement et la mélancolie adolescente, alors que l'étonnement a passé, et que le passage à l'âge adulte est venu. Il décrit de manière intime le lien au vivant, animal et végétal, par le truchement de détails, de paysages. Certains poèmes disent le rapport à l'autre, la solitude, l'utopie et le rêve de la collectivité. Au fil des poèmes se dessine une autre façon de vivre, de regarder le monde, sans nostalgie et avec constance. -
Charles Reznikoff signe le récit de la vie d'un musicien, compositeur, dont la musique n'est comprise par personne. De Hollywood, où Jude Dalsimer gagne sa vie comme aide-scénariste, à New York où il revient après avoir perdu son emploi, son parcours est transmis dans ses différentes rencontres avec un ami d'enfance, devenu voyageur de commerce, qui va parler avec lui - et écouter la musique qu'il a composée ; sans l'apprécier.
Dans Le musicien, tout fonctionne à partir d'un matériau qui se dédouble : notes d'observation, prélèvements autobiographiques et portrait des États-Unis pendant la Grande Dépression (chômage, misère, difficile intégration des immigrés, notamment des Juifs) ; notes de Charles Reznikoff (le roman puise dans son expérience à Hollywood, de mars 1937 à juin 1939, comme chercheur et lecteur de scénario). L'articulation entre l'écriture poétique de Reznikoff et la poursuite d'un roman est passionnante sous l'angle du document et de son traitement, de sa retranscription, pour en faire un bref et grand récit américain sur la pensée d'un créateur.
The Manner Music, de Charles Reznikoff paraît chez Black Sparrow Press en 1977, un an après sa mort, avec une préface de Robert Creeley. Le livre, traduit en français par Emmanuel Hocquard et Claude Richard, paraît chez P.O.L en 1986. Il est réédité ici pour la première fois avec la préface de Robert Creeley. -
En 1912, la poétesse russe Anna Akhmatova, 23 ans voit paraître Le soir, son premier cycle de poèmes. Constituant l'une des oeuvres fondatrices du mouvement littéraire acméiste, le recueil est composé de brefs tableaux précis où l'état d'âme n'est souvent que suggéré. Les objets concrets y jouent un rôle essentiel?; ils deviennent les vecteurs des sentiments et des idées.
L'esthétique acméiste s'oppose radicalement au lyrisme musical des symbolistes qui dominent alors la poésie russe. Les acméistes revendiquent l'utilisation d'un langage simple et concret, censé porter à son apogée la dimension poétique du quotidien. Le soir d'Akhmatova frappe justement par l'absence de tout arrière-plan mystique.
La présente traduction se réfère à l'édition soviétique de 1976, à la fois par l'ordre des poèmes et l'établissement du texte. Six poèmes n'ont pas été retenus, que ne pouvait rendre la transposition en français. -
C'est en 1973 que John Berger, presque cinquantenaire, s'installe en HauteSavoie dans le petit village de Mieussy. La vie rurale est celle des paysans de montagne du début du XXe siècle. On parle encore le patois dans les cafés, les chevaux de trait sont plus nombreux que les automobiles. Une fois installé, il épouse la vie du lieu. Rien ne prépare l'écrivain à un changement de vie si radical.
L'écriture de la trilogie paysanne Dans leur travail s'étalera sur une quinzaine d'années. Sans idéalisme ni nostalgie, John Berger capte différents moments de ce monde en mouvement, dont les témoignages illustrent le lien au temps, à la terre, à l'amour également, et les valeurs de préservation face au changement qui les étreints. A la fois roman de fiction et roman documentaire engagé, le récit rend compte de l'évolution du monde paysan. La vie dans un village traditionnel pour le premier volume. Ses transformations et profondes évolutions dans le second, avec l'arrivée de la mécanisation, des planifications européennes jusqu'aux pesticides de Monsanto. Le troisième volume raconte l'exil forcé des paysans, arrachés à leur terre, vers la métropole et la difficile intégration dans le milieu urbain. Une évolution historique, universelle, dont l'histoire n'a cessé de se poursuivre sous nos yeux, bien qu'à l'abri des regards, isolée en haut de nos montagnes.
Au travers de la sensibilité de l'auteur britannique, on voit derrière ces visages la grande détresse d'une profession si souvent dénigrée face à la modernité capitaliste.
Une trilogie proposée pour la première fois en un seul volume et dans une nouvelle traduction. -
Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix
Jean Giono
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 15 Mai 2013
- 9782940517046
La Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix est écrite durant l'été 1938, entre le début juillet et la mi-août. Jean Giono la rédige dans une atmosphère de bouleversement. En pacifiste convaincu il sait que depuis l'Anschluss les Français se préparent de plus en plus à la guerre et sont prêts à la faire. Son intention n'en est que renforcée?: «?Continuer à combattre, écrit-il le 16 mars dans son journal, contre le militarisme et forcément commencer par lutter contre celui de ma patrie.?» Or abattre la guerre, c'est abattre l'État, quel qu'il soit.
Cet éloge de la pauvreté et de la paix nous force à nous retourner sur la figure du paysan, mais aussi à questionner une société occidentale se donnant en modèle et refusant de fait toute contestation.
Recevoir cette lettre et la lire c'est un peu devenir paysan soi-même, c'est regagner le droit d'être libre et autonome.
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Job ; roman d'un homme simple
Joseph Roth
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 9 Novembre 2018
- 9782889550005
En observateur subtil de la culture judéo-allemande de son époque, Joseph Roth dépeint le destin d'une famille juive en Europe de l'Est, que les événements forcent à émigrer en Amérique. Mendel Singer, un pauvre maître d'école, « pieux, craignant Dieu et ordinaire » - personnage on ne peut plus dépourvu de singularité - se voit contraint de quitter sa Galicie orientale à la recherche d'un avenir un peu plus serein pour lui et les siens. S'il souhaite avant tout sauver sa fille Mirjam de la damnation - elle qu'il surprend avec des Cosaques-, s'il veut retrouver son fils Schemarjah - lui qui a déjà fui vers le Nouveau Monde, où il se fait appeler Sam -, ses misères personnelles sont avant tout le reflet d'un monde ébranlé par l'instabilité politique et l'antisémitisme croissant.
Roman d'exil qui tend au tragique (c'est la destinée de tout un peuple qui se lit en filigrane du drame familial et personnel de Mendel Singer), Job, roman d'un homme simple est écrit dans un style simple mais puissant. S'il emprunte parfois au Livre de Job dont il s'inspire, c'est pour renforcer son caractère exemplaire, c'est pour accentuer les souffrances d'un personnage qui en vient peu à peu à douter de son Dieu... Et pour confirmer le talent littéraire hors-pair de Joseph Roth.
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C'est en 1911 que parut, au Dreililien Verlag à Karlsruhe et Leipzig, le cycle intitulé Mes merveilles. Ce recueil reprend trente-trois poèmes qui avaient déjà été publiés dans un livre antérieur, Le septième jour, auxquels viennent s'ajouter vingt-cinq autres - dont la plupart avaient déjà paru dans des journaux et revues. Deux styles venus de deux époques différentes s'y mêlent : d'un côté se retrouve l'influence prégnante de la Bible, des textes écrits dans une langue où le néo-romantisme de la fin du XIXe siècle se montre encore très présent. De l'autre, on découvre des poèmes plus brefs, à la langue précise et limpide, bien que non dénuée de lyrisme. Des « poèmes-visages » (Gesichte) écrits à la gloire de quelques hommes et femmes de son époque, dont Lasker-Schüler nous a livré les portraits par dizaines.
Stylistiquement, Lasker-Schüler pousse un peu plus dans ce recueil ses expérimentations poétiques : le verbe se resserre, les adjectifs se font plus rares, comme si de la pureté même d'une syntaxe la plus souvent réduite à sa portion congrue devait naître l'intensité poétique de la langue. Rares sont les vers qui ne peuvent se lire de plusieurs manières ; rares sont les verbes dont les particules ne peuvent se rattacher à plusieurs verbes en même temps, faisant naître ainsi des polyphonies au sein du texte. Ce ne sont pas des poèmes, mais des chants, voire des cantiques, adressés à ce « tu » mystérieux qui nous hante de sa présence étoilée, et dont on ne sait jamais chez elle s'il s'agit de Dieu ou du bien-aimé. Nous avons entendu restituer dans ce livre la langue schülerienne dans toute sa dimension, à la fois noble et surannée. -
Quel que soit leur âge, il n'est pas rare que des Iranien.ne.s connaissent par coeur des vers de Forough Farrokhzâd. Sa poésie, émaillée d'allusions à sa vie amoureuse mouvementée, à ses aventures ouvertement vécues, échappe heureusement à la mise en scène complaisante du scandale à laquelle aimaient la rabaisser certains de ses contemporains.
Née dans une famille de militaires à Téhéran en 1934, Forough Farrokhzâd a été de son vivant, une poète très controversée. Non seulement par les thèmes progressistes qu'elle traite dans sa poésie, mais aussi pour ses revendications de femme. Alors qu'elle a tout juste vingt ans, elle apprend la peinture, divorce d'un mariage imposé, publie son premier recueil de poésie et part étudier le cinéma en Angleterre. Personnalité iconoclaste de la culture iranienne, figure de l'artiste libre et indépendante au sein d'une société patriarcale, elle connaît une réhabilitation posthume, à laquelle le présent ouvrage tient à contribuer.
Une autre naissance est le recueil le plus célèbre de Farrokhzâd, le dernier publié de son vivant. Avec lyrisme, ses poèmes dénoncent sans fard l'hypocrisie d'une société en quête de modernité factice, porte en éloge les émotions et le ressenti, voix de femme dans un monde qui leur est sourd. Les conflits, les doutes, mais aussi l'élan amoureux en forment le terreau fertile. Ses vers, faisant parfois référence à la poésie persane classique, ont aussi l'allure d'un chant de prisonnière où le désir ne cesse de chercher des brèches, des échappées dans un quotidien oppressant.
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Dernier recueil de poésie publié avant la mort de Jim Harrison, La positions du mort flottant (en anglais Dead man's float) est un livre qui aborde de front les grands thèmes de la mort, de la vieillesse, du Temps... Son titre fait référence à une position utilisée par les nageurs pour se préserver lors de longues courses. S'il s'agit bien d'une technique de survie - pour Harrison, celle qui lui permet d'affronter la maladie, les séances de chirurgie, mais aussi d'appréhender l'approche de la mort et la perception de son corps vieillissant, toujours plus faible - les poèmes, pourtant, font bien plus que flotter.
Car Harrison trouve, par l'écriture, un moyen de transformer le négatif en une opportunité d'introspection, de retour à la vie - ce qui le rapproche encore et toujours de l'enfance, les souvenirs, et ce qui reste, encore, au quotidien, pour lui qui sait qu'il n'a plus d'avenir à construire. Alors que la mort approche, il se concentre sur les petites choses de son monde quotidien, sur les souvenirs toujours vivaces qui le séparent, à peine, de son enfance.
Comme s'il pouvait toujours, "soixante-huit ans plus tard (...) habiter le corps de ce garçon sans penser au temps écoulé depuis". Et comme si la vieillesse, au final, ne faisait rien d'autre que rejoindre l'enfance.
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Signes des temps est une expérience d'autobiographie collective. C'est-à-dire que la plupart des éléments convoqués sont susceptibles d'appartenir à chacune ou chacun d'entre nous, dans un mouvement qui, selon Georges Perec, « partant de soi, va vers les autres », et inversement. L'écriture ici tient du montage au sens cinématographique. Ainsi le rapprochement, soit par contrastes, soit par de troublantes affinités, de citations, d'expressions du quotidien, de moments d'intime sensualité, de souvenirs ou de références à des circonstances historiques, a pour effet d'éveiller un sentiment d'insolite familiarité.
Ces brefs chapitres, qui sont autant de poèmes en prose, disent l'urgence du souvenir afin de conjurer l'apparente normalité du temps qui passe. S'y déploient en motifs obsessionnels la stupeur d'être au monde, la mort, l'amour, la toute-puissance du désir, la joie et le désarroi. Il en résulte un chant au rythme à la fois souple et irrégulier qui, tout en exprimant l'impermanence des êtres, s'efforce au bout du compte de rendre justice à l'intensité des événements et de célébrer la grâce de vivre. -
Riprap est le premier recueil de poèmes de Gary Snyder. Il paraît en 1959 à Kyoto, alors que le poète réside temple Daitoku-Ji de la secte rinzai zen et suit les enseignements du maître Oda Sesso Roshi. Quelques années plus tôt, en 1955, Gary Snyder travaille comme garde forestier, préposé à l'aménagement et l'entretien des sentiers de Piute Creek dans le parc national de Yosemite, en Californie. Cette expérience de vie sera au départ de l'écriture de Riprap. Durant cette période, il traduira brillamment les poèmes du moine vagabond chinois Han-Shan. Gary s'inscrit à l'American Academy of Asian Studies et y rencontre son professeur Alan Watts. Kenneth Rexroth le présente à Allen Ginsberg et Jack Kerouac, lequel s'inspirera de leur ascension du Pic Matterhorn au Parc national de Yosemite pour écrire The Dharma Bums.
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Atemnot (Souffle court) est un recueil composé de vers brefs et incisifs, écrits en français et en allemand.
Chaque poème se tient au seuil de l'autre langue. La langue est à la fois limite et lieu de réinvention. Comme à travers un miroir vacillant, les poèmes en montrent l'instabilité. Un corps se heurte à d'autres corps. Le corps traverse des langues et des territoires. Chaque langue est étrangère. Une voix tente de lier. Alors que l'air manque, violence intime et fracas extérieur se font écho. Les poèmes marquent la quête d'un territoire respirable. Comme un souffle tenu, un mince filet d'air sinuant entre les langues. -
Écrit à tout juste 18 ans, La Ravine est un roman remarquable où la terre tient un rôle aussi important que les hommes qui la travaillent avec acharnement.
La nature est sauvage, dense, les coutumes à tel point établies qu'elles imprègent les vies de chacun - parfois de façon douloureuse. Dans cette atmosphère paysanne d'isbas et de forêts de bouleaux, des amitiés et des amours se nouent, des rencontres se font, des vies se brisent. La boisson coule et l'entraide est toujours présente.
Les phrases, courtes, descriptives, confèrent à ce texte une force poétique intense.
Publié en 1916 dans une revue de Petrograd, La Ravine a été traduit en français pour la première fois en 2008. Publié cette année-là par les éditions Harpo &, le livre est aujourd'hui épuisé.
Depuis toujours, les éditions Héros-Limite portent une attention particulière aux oeuvres russes, proposant des traductions et rééditions de livres importants tels que ceux de Friedrich Gorenstein, Daniil Harms ou Panteleïmon Romanov. La réédition du seul roman d'Essénine trouve ainsi naturellement sa place dans notre collection petit format feuilles d'herbe.